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Autorité de la chose jugée

Les doutes émis par le juge pénal sur l’imputabilité des faits reprochés au salarié s’imposent aux prud’hommes

Lorsqu’un salarié a été licencié et fait par ailleurs l’objet de poursuites pénales pour les faits qui ont motivé la rupture de son contrat de travail, le juge prud’homal appelé à apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement doit se conformer à la décision de la juridiction pénale, en vertu du principe d’autorité de la chose jugée (cass. soc. 12 mars 1991, n° 88-43153, BC V n° 122 ; cass. soc. 20 mars 1997, n° 94-41918, BC V n° 120).

Ce principe connaît néanmoins des exceptions, notamment lorsqu’il y a relaxe au seul motif que les éléments caractérisant l’infraction pénale ne sont pas réunis. Dans ce cas, les prud’hommes ne sont pas liés par la décision de relaxe et peuvent apprécier si les faits en question constituent ou non une cause réelle et sérieuse de licenciement, à condition bien sûr que ces faits soient établis et imputables au salarié (cass. soc. 18 octobre 1995, n° 94-40735, BC V n° 280). Cette dernière réserve a son importance, comme le montre l’arrêt qui suit.

Dans cette affaire, l’employeur reprochait au salarié l’utilisation frauduleuse de sa carte de carburant au préjudice de la société. En effet, avec la complicité d’un employé de station-service, celui-ci utilisait sa carte pour simuler, ticket de débit à l’appui, une livraison de carburant. En réalité, rien ne sortait des pompes et le salarié et son complice se partageait l’argent correspondant au montant débité sur la carte.

Poursuivi au pénal pour abus de confiance par détournement d’argent, le salarié avait été relaxé. Pour la cour d’appel, appelée à juger du caractère réel et sérieux du licenciement, la relaxe tenait au fait que l’infraction ne pouvait pas être constituée, dès lors que l’employeur n’avait pas remis d’argent au salarié. Toutefois, du point de vue du droit du travail, il y avait bien eu, selon les termes de la lettre de licenciement, usage frauduleux de la carte de carburant, ce qui justifiait le licenciement du salarié.

La Cour de cassation censure cette décision, la cour d’appel ayant omis un élément déterminant dans la décision du juge pénal : celui-ci avait estimé que, si les faits étaient établis, il n’était pas certain que ce soit le salarié licencié qui les ait commis. Dès lors qu’il y avait un doute sur l’imputabilité des faits qui avaient motivé les poursuites pénales et la rupture du contrat de travail, la cour d’appel devait se conformer au principe d’autorité de la chose jugée et n’avait pas d’autre choix que de conclure à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cass. soc. 12 octobre 2016, n° 15-19620 D

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